Déclaration FSU au CSA du 20/03/23

Le sujet des retraites, qui a fait l’objet d’une déclaration commune sur laquelle nous ne reviendrons pas dans notre déclaration propre, ne fait pas oublier à la FSU que le gouvernement poursuit méthodiquement une transformation profonde du système éducatif et des métiers, en utilisant une méthode qui ressemble à bien des égard à la manière dont il conduit la réforme des retraites : le refus du dialogue, l’entêtement à la destruction de ce qui existe et qui assure depuis la Libération un fonctionnement social relativement consensuel et protecteur, au profit d’un système construit sur la rigueur budgétaire et financière qui assèche continûment les moyens du Service Public d’Éducation et ouvre de fait une dégradation permanente pour ses usagers, mettant au passage en souffrance professionnelle ses agent.es, qui, sur le terrain, continuent à tenter de le faire vivre, en leur refusant la juste reconnaissance à laquelle ils aspirent, et menaçant la continuité de son fonctionnement compte tenu des difficultés de recrutement auxquelles il est désormais ouvertement confronté. Sans entrer dans le détail, nous relevons que la plupart des points à l’ordre du jour de ce CSA confirment ce diagnostic sur les questions de préparation de la rentrée 2023.


Notre ministre P. Diaye s’apprête à prendre, sur la question salariale pour les enseignant.es, des décisions qui conjuguent, à la fois, des mesures totalement insuffisantes pour garantir la reconstruction de l’attractivité des métiers ;une limitation drastique de la progression des rémunérations au cours de la carrière qui remettent en cause la notion même de fonction publique de carrière ; et l’instauration d’un Pacte de carrière qui se révèle pour ce qu’il est.
Ce Pacte, qui ne constitue plus que l’illusion d’une revalorisation puisque rémunérant, ce qui est le minimum, un travail supplémentaire sous une autre forme que celle sous laquelle il était jusqu’ici assuré, entraînera rapidement la disparition de rémunérations indemnitaires et supplémentaires diverses (HSE, IMP par exemple) pour son financement : le solde budgétaire sera une opération blanche, voire permettra, d’ici deux à trois ans, une reprise de moyens, selon les projections même du ministère. Au-delà de cette escroquerie caractérisée, la FSU rejette le principe même du Pacte, dont la visée première est en réalité le développement d’une contractualisation systématisée entre les agent.es et leur hiérarchie.
Le gouvernement continue ainsi de détruire méthodiquement les principes fondamentaux de la Fonction Publique, après s’être attaqué au rôle et à la place du paritarisme en son sein. L’instauration du Pacte enseignant ne peut de notre point de vue que conduire à la remise en cause des cadres collectifs de travail, minant les relations professionnelles au cœur même des établissements, par l’instauration d’un management discrétionnaire et mettant en concurrence les enseignant.es entre eux.

Les rémunérations de l’ensemble des personnels de l’Education nationale restent très largement insuffisantes, et grignotés quotidiennement par une inflation galopante. Il y a urgence d’apporter une réelle réponse salariale en adéquation avec les attentes de tous ces personnels. Difficile d’être surpris, dans ce contexte, des difficultés à recruter des personnels pour s’engager dans notre ministère…


Opacité et contournement quasi-systématique des instances et des cadres réglementaires, politique éducative qui ne suscite aucune adhésion quand ce n’est pas une critique généralisée et un rejet large, voilà le cadre délétère dans lequel le ministère fait le choix de poursuivre la dérégulation du système éducatif, d’une part par la mise en place de logiques de mise en concurrence des écoles et établissements (le dernier cheval de Troie en la matière étant évidemment les projets conduits dans le cadre du Conseil Nationale de la Refondation que l’on retrouve dans le Pacte…), et d’autre part par une transformation à bas bruit du Collège. La volonté de faire disparaître la Technologie de la classe de Sixième, son remplacement par un soutien / approfondissement, l’instauration des journées de Découverte des métiers, nient la professionnalité de nos collègues, dénaturent leurs métiers en les amenant à intervenir hors de leurs cadres de compétence et au-delà des cadres statutaires, nient les compétences professionnelles des professeur.es du Second degré, des professeur.es des Ecoles. des psychologues de l’Education nationale. Au-delà de la souffrance et de la maltraitance ressentie par nos collègues de Technologie, ces annonces font planer la menace de la constitution d’une “École des fondamentaux”, réduite à ces seuls “fondamentaux”, soit un modèle d’école encore plus inégalitaire, assignant à résidence sociale et géographique les élèves issus des milieux les plus éloignés d’elle et socialement les plus défavorisés.

La réforme de la voie professionnelle procède aussi de cette logique du tri social que la FSU dénonce. Les ministres maintiennent toujours la perspective d’une redéfinition du format de la voie professionnelle à laquelle les collègues demeurent très majoritairement opposé.es. La reprise des échanges au niveau national a certes permis d’acter le renoncement (provisoire ?) à augmenter les périodes de stage Mais pour autant, 14 nouvelles mesures sont présentées, que nous continuerons de combattre car relevant d’une vision complètement déconnectée des besoins des personnels et de l’intérêt des élèves, et poursuivant autrement la destruction de nos métiers et de nos lycées professionnels, et encourager les mixages de publics pour développer l’apprentissage, auquel notre fédération reste opposée avant le baccalauréat.

La réorientation du système éducatif, hors débat démocratique mené devant le Parlement, se mesure aussi à la place de plus en plus grande que vont prendre les partenariats avec les armées via les Classes de défense, et surtout le SNU, dispositif jugé coûteux et lourd par un récent rapport sénatorial, qui est amené à se généraliser sur temps scolaire au risque de générer des ruptures dans les apprentissages scolaires, voire des décrochages, et compliquent encore le métier des enseignant.es exerçant en lycée. Son substrat idéologique de l’”engagement”, pris dans son sens le plus réduit (à savoir l’enrôlement dans des cadres militaires, ou dans des actions à visée sociales et sociétales, à coût réduit puisque reposant sur le volontariat et des rémunérations sans rapport avec celui des emplois correspondants) sont pour nous bien éloignées des valeurs d’émancipation de la jeunesse et de l’ambition à construire une société apaisée, plus égalitaire et fraternelle, que portent au quotidien nos collègues dans le respect de notre devise nationale.

Ces renoncements à la réussite et à la construction d’une culture commune réellement émancipatrice de tou.tes les élèves, se concrétise par une réorganisation progressive - qui plus est en contournant les cadres statutaires, par exemple via le Pacte enseignant - du Service Public d’Éducation qui se dessine, sans débat démocratique et sincère sur le sujet. A ce sujet, notre académie n’échappe pas à cette dérive du contournement ou du dialogue social dévoyé, puisque nous découvrons dans les documents préparatoires des propositions inattendues sur la carte des Enseignements de spécialité, propositions qui n’ont fait l’objet ni d’échanges sérieux, ni d’analyses partagées. Faut-il même revenir sur la communication largement anticipée autour d’une de ces propositions, qui témoigne du peu de cas fait de ce dialogue social ?


Compte-tenu de l’ordre du jour, nous ne pouvons manquer d’aborder ici la question des moyens académiques.

Les restrictions de moyens ont conduit de nombreuses instances départementales à se prononcer de manière claire sur l’insuffisance des moyens alloués pour la rentrée 2023 dans notre académie, tant dans le 1er que dans le 2d degré, ce qui, en plus des rémunérations en berne, impactera les conditions de travail de nos collègues et la reconnaissance de leur engagement (le volume des IMP allouées apparaît ainsi par exemple insuffisant dans les départements pour rémunérer la totalité des missions qu’elles sont censées rémunérer). Ce qui est par ailleurs devenu insupportable, c’est que, face à cette réalité de la dégradation des conditions de travail sous tous les plans, l’institution tente d’expliquer que cette dégradation serait une vue de l’esprit. Il y a aujourd’hui une véritable rupture entre l’approche technocratique qui ne cesse de piloter le système par la lorgnette statistique et budgétaire et le quotidien des personnels à tous les niveaux et sur tous les plans, et il faut la mesurer. Les collègues attendent des réponses, et ces réponses ne peuvent passer que par des moyens, sans quoi vous ne ferez, Monsieur le Recteur, que confirmer que nous ne parlons pas, ou plus, la même langue.

De même, nous ne pouvons nous satisfaire du peu de moyens alloués à la filière Santé-Social. La création, annoncée en GT, de seulement 2 postes d’assistantes de service social, aucune création de postes d’infirmières sont très inquiétantes au regard d’une augmentation des difficultés médico-sociales des élèves, ce que tout le monde constate. Concernant la politique éducative sociale et de santé, d’ailleurs, où en êtes vous, monsieur le recteur, quant à votre engagement, pris au CTA du 30 juin dernier, de l’installation de la cellule de santé composée de vos trois Conseillères Techniques, et pilotée par un IA-IPR EVS ? Sans son installation, comment pouvoir élaborer, dans le cadre d’un diagnostic partagé, une politique de gestion de moyens et analyser sérieusement le bilan académique annuel ? Sans ce cadre de travail, l’académie ne peut pallier les déficits que de manière aléatoire… A l’heure où la menace de la décentralisation des infirmières est plus que pesante, il est urgent de mener à bien une politique de santé conforme aux besoins de tous les élèves et ainsi favoriser leur réussite scolaire.

L’ordre du jour comportant la carte des emplois de personnels administratifs et la carte des agences comptables, il nous faut enfin revenir sur les évolutions en cours concernant plus particulièrement les adjoints-gestionnaires.
Concernant les nouveaux logiciels, mis en place à marche forcée par le Ministère, à savoir OPERA pour les paies et OPALE pour la gestion financière, le SNASUB-FSU s’est fait en 2022 le représentant auprès de la Secrétaire générale du ministère, de tous les bugs que contenaient ces progiciels réalisés par la société privée CapGémini. Aujourd’hui, après 4 ans de mise en place de ce logiciel, nous en sommes toujours au même point, avec des lenteurs d’accès ; une ergonomie toujours différente d’un processus à l’autre (pas moins de 6 façons différentes de valider une écriture selon les opérations à faire) ; des opérations comptables qui disparaissent par magie puis réapparaissent le lendemain ; l’impossibilité de créer des régies, voire la réalisation de comptes financiers compromises pour certains établissements.
De nombreux collègues agents comptables et collègues travaillant en agence comptable sont mis en difficulté par ces errances techniques qui suscitent incompréhension et souffrance au travail, que la bonne volonté des collègues formateurs et l’accompagnement de R-conseil du rectorat ne font pas disparaître.
Nous vous demandons donc, Monsieur le Recteur, de surseoir à son extension, et de faire part au ministère de notre volonté de travailler sereinement dans les agences comptables. Lorsque le logiciel fonctionnera normalement, nous pourrons tranquillement reprendre son développement et assurer enfin un Service public performant.
Concernant la loi 3DS, on commence dans certaines académies, à recevoir les premières conventions, trop souvent élaborées de manière unilatérale par les collectivités. Elles sonnent le glas de l’autonomie des gestionnaires vis-à-vis des collectivités territoriales et attaquent l’autonomie de l’établissement. On a ainsi pu voir des conventions qui placent très clairement les collectivités territoriales en position de donneur d’ordre et d’objectifs, mais dont la réalisation est toujours demandée « sous couvert du chef d’établissement ». Cela va même jusqu’à ce que soit envisagé que la collectivité puisse convoquer l’adjoint gestionnaire pour « préciser les orientations de travail, fixer les délais et les modalités de la réalisation », et même “transmettre un avis au chef d’établissement sur l’évaluation de l’adjoint gestionnaire ». Le SNASUB-FSU a réaffirmé dans le groupe de travail organisé par notre rectorat notre opposition à un principe d’une double tutelle fonctionnelle. Cette double tutelle se rajoute aux manques de personnels et aux conditions de travail qui se détériorent.
Nous vous demandons, Monsieur le Recteur, de veiller aux conventions qui seront proposées par les 9 collectivités liées à notre académie, afin que les lignes rouges sur « l’évaluation et les convocations à des formations » n’y apparaissent pas. Et en cas de conflit, le SNASUB-FSU tient à rappeler que nous sommes des fonctionnaires de l’État, et qu’à ce titre le rectorat devra soutenir les gestionnaires mis en cause par les collectivités.


Enfin, dans le contexte politique et social que connaît notre pays depuis plusieurs années, et qui est marqué par une aggravation de la crise démocratique, ces orientations et ces pratiques de pilotage que nous avons dénoncées plus haut sont extrêmement dangereuses et nourrissent un ressentiment à l’égard de la République, que certaines forces, de natures diverses, sont de plus en plus prêtes à exploiter. L’actualité l’illustre une fois de plus au plus haut niveau de l’État, et nous ne pouvons qu’alerter, très solennellement, le gouvernement et le Président de la République sur les effets, dans le champ éducatif et au-delà, des politiques conduites et de leurs pratiques de mises en œuvre.