Le président de la République a annoncé hier soir un plan de déconfinement progressif, soumis à l’évolution de la situation sanitaire, qui demeure du point de vue du SNES-FSU une priorité.
Dans ce cadre, il a posé comme principe le maintien des aménagements mis en place, notamment au lycée à travers des effectifs réduits, jusqu’au 20 janvier.
En la période le SNES-FSU n’a cessé de rappeler des principes clairs et de porter ses exigences quant aux conditions organisationnelles et pédagogiques qu’impliquaient les aménagements rendus nécessaires par le protocole sanitaire.
Il est aussi important d’avoir conscience que le ministre souhaite opportunément profiter de cette crise sanitaire pour imposer un modèle éducatif et pédagogique bien éloigné de ce que nous portons, et que cela qui passe justement par l’expérimentation quand ce n’est pas l’injonction à mettre en place autour des pratiques pédagogiques liées au distanciel et au numérique (les départements de l’Aisne et Val d’Oise ont été par exemple « retenus » pour mettre au point le nouveau dispositif d’hybridation de l’école traditionnelle et de l’enseignement à distance par voie numérique)
Pour le SNES-FSU, l’enseignement à distance a fait la preuve qu’il ne pouvait remplacer l’enseignement en présentiel, et ce malgré l’implication forte des personnels dans sa mise en oeuvre et l’investissement dans des dispositifs numériques.
L’enseignement à distance, en mode « hybride » ou pas, n’est donc clairement qu’un pis-aller, un enseignement en « mode dégradé » dont il faut mesurer tous les tenants et les aboutissants, tant sur le plan pédagogique que politique.
La vigilance est ainsi plus que de mise quand on voit l’approche managériale qui double les considérations pédagogiques, comme en témoigne par exemple la toute récente publication de l’IH2EF, école des cadres de l’éducation nationale, dans laquelle on peut trouver des fiches renvoyant spécifiquement à la logique gestion RH à travers des expressions comme « Exercice du leadership à distance »).
Quelques principes :
– Un premier principe à réaffirmer est celui du non-cumul d’activité présentiel-distanciel : si des adaptations sont nécessaires, le passage en demi-groupe ne peut conduire à ce que la charge de travail soit dédoublée.
– Un autre principe est de redire que l’enseignement passe par l’interaction, le relationnel, et l’échange dans un cadre collectif de proximité réelle, que le distanciel ne permet pas sérieusement, et que de ce point de vue, l’enseignement hybride dit « synchrone » apparaît comme un trompe l’oeil pédagogique qui fait croire que les élèves en distanciel pourraient bénéficier des mêmes apports pédagogiques que les élèves en présentiel.
– Un troisième principe est le respect de la liberté pédagogique : c’est bien l’enseignant qui détermine la manière dont mettre en place la « continuité pédagogique » vis à vis des élèves placés en distanciel. Sur ce plan-là, visio et cours filmés ne peuvent être imposés (le second dispositif posant par ailleurs des questions sur le plan du droit à l’image : on ne peut imposer la présence d’une caméra dans la salle de classe, d’autant moins en l’absence d’autorisation de la part des parents des élèves présents dans la salle, dont voix et images seront captées).
– Un autre principe est celui la lucidité face aux contraintes pédagogiques : il n’est pas possible de considérer que les adaptations organisationnelles et la « mise à distance » de groupe d’élèves sont sans conséquences pour la progression dans les programmes et l’acquisition des connaissances et compétences pour les élèves. Autrement-dit, il paraît plus que difficile de s’engager dans une course aux programmes, pas plus que dans une course à l’évaluation. C’est évidemment pour cela qu’il est urgent que des aménagements sérieux (calendrier et programmes), comme le demandent des organisations syndicales associées aux membres de la Conférence des associations de professeurs spécialistes (pétition à signer) soient annoncés : la situation rend "impossible la maîtrise de nouveaux programmes trop volumineux, et conçus sans tenir compte des conditions réelles d’apprentissage" et "la crise sanitaire aggrave les méfaits" d’une réforme du lycée et du bac qui met en difficulté les élèves et aggrave les inégalités, ce qui n’est pas acceptable.
– Un quatrième principe renvoie aux outils à utiliser : si des difficultés ont été rencontrées aux premiers jours du confinement, les outils sont aujourd’hui plus stabilisés. Dès lors, pour le SNES-FSU il est essentiel de rester dans le cadre d’utilisation d’outils institutionnels respectant notamment la protection des données mais offrant aussi une sécurisation en termes de responsabilité. On a en effet pu voir de nombreuses dérives liées à l’usage d’outils peu respectueux du RGPD et à des modes de communications en dehors des canaux institutionnels prévus (ENT/messageries professionnelles). Des personnels ont ainsi pu être mis en difficulté par des comportements problématiques chez certains élèves comme de la part certaines familles. Il est important de se protéger aussi dans ce cadre-là.
Quelques conseils / remarques :
– Pour le SNES-FSU, les aménagements et adaptations envisagées ne peuvent conduire à institutionnaliser les inégalités : les conditions d’apprentissage des élèves vont être plus diverses et inégales que jamais avec le renvoi au local des adaptations d’emploi du temps. Il faut notamment dénoncer toute situation qui conduirait à ce qu’au sein d’un même établissement l’organisation pose des problème d’équité de traitement (certaines classes d’un même niveau pouvant se retrouver entièrement en présentiel quand d’autres se retrouveraient dans une alternance présentiel / distanciel, par exemple).
– Pour le SNES-FSU, il est essentiel de donner de la cohérence à ce qui est mis en place dans l’établissement afin d’éviter de confronter les élèves à des dispositifs et des outils variables et face auxquels ils risquent de se perdre se perdre. Cela nécessite débats et échanges entre enseignants notamment, et ne peut être laissé à la seule initiative du chef d’établissement, qui s’il doit être garant de cette cohérence, ne peut imposer un fonctionnement contre les personnels. Le SNES-FSU appelle donc à se réunir pour mener cette réflexion de la façon la plus collective que possible.
– De ce point de vue, le cahier de texte et les ENT sont les outils à privilégier, le premier étant obligatoire : « le cahier de texte mentionnera, d’une part, le contenu de la séance et, d’autre part le travail à effectuer, accompagnés l’un et l’autre de tout document, ressources ou conseils à l’initiative du professeur, sous forme de textes, de fichiers joints ou de liens. ». « Les textes des devoirs et des contrôles figureront au cahier de textes, sous forme de textes ou de fichiers joints ».
– Le SNES-FSU rappelle enfin la difficulté qu’il y a à suivre un emploi du temps strict à distance : tant pour des raisons pratiques et techniques, que des raisons psychologiques. Le distanciel doit être envisagé comme une modalité de travail qui ne peut correspondre à celle d’un cours normal.
Compte-tenu de ce contexte pédagogique bien particulier, le Snes-FSU propose à toutes les équipes disciplinaires d’interpeller les IG et les IPR dans les académies : retrouvez des modèles de courrier adaptés.
L’urgence n’est aujourd’hui pas à mettre en place des expérimentations pédagogiques hybrides mais bien à aménager les programmes en collège et en lycée et revoir le calendrier des épreuves du bac.
Le SNES-FSU continuer d’interpeller le ministre sur l’ensemble de ces problématiques et de dénoncer le refus d’entendre l’ensemble des difficultés pourtant clairement identifiées.