… cela ne regarde pas (G. Brassens, La mauvaise réputation)

L’attention de notre organisation a été attirée sur un projet promu par le Recteur de l’académie de Toulouse, dans le cadre de la préparation des commémorations du 11 novembre 2022.

En lien avec le Délégué Militaire Départemental adjoint de la Haute-Garonne, le Recteur a diffusé aux chefs des établissements de ce département une information sur un concours d’écriture, puis d’interprétation, d’un chant en hommage à la mémoire des soldats français tombés lors d’opérations extérieures (OPEX), avec possibilité semble-t-il d’extension du projet aux autres départements de l’académie.

Cette initiative se présente comme une possibilité de travail interdisciplinaire, principalement axé sur « l’histoire, l’EMC, les lettres et l’éducation musicale ». Il s’agit, dans une première phase, de l’implication de classes, essentiellement de troisième, et de Classes de Défense de l’académie, dans un travail d’écriture du texte du chant, pour interprétation du texte finalement retenu par les chorales associées lors de la cérémonie du 11 novembre 2022.

Outre le caractère très extensif de l’hommage prévu par rapport au cadre d’un 11 novembre et son rapport à des opérations extérieures bien éloignées des champs de batailles de la Première Guerre mondiale que traduit ce projet, le cadre imposé pour la réalisation de ce chant pose de réels problèmes.

Les prescriptions imposent en effet un premier couplet évoquant le départ en mission, notamment sous les angles de « l’enthousiasme », du « voyage », du « dépaysement géographique et culturel », etc. suivi d’un second couplet évoquant les combats, « en référence au code du soldat ».

Le refrain est quant à lui censé mettre en valeur « amour du métier, valeurs militaires, mise en pratique des gestes appris en formation, code d’honneur du soldat, dépassement de soi, recherche d’excellence, fraternité d’armes, cohésion, acceptation du risque, maîtrise de ses peurs, sur les pas des anciens, more majorum (à la manière des anciens) » (cette dernière locution latine – qui se traduit effectivement habituellement par “à la manière de nos anciens” – désignait sous l’empire romain le nom d’un supplice destiné aux parricides, avant d’être par la suite employée quasi exclusivement à l’écrit par les juristes, les philosophes ou les théologiens … avant de devenir, depuis 1948, la devise des légionnaires parachutistes.) !

La commande se conclut sur l’attention des équipes éducatives sur les « valeurs éducatives qui sont liées, autant transversales que disciplinaires, dans le contexte républicain qui anime les actions du Trinôme » (composé des « corps d’inspection de l’Education nationale, de ses correspondants du ministère des armées et de l’association régionale IHEDN » - Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale). Les objectifs visés sont ceux d’un « engagement dans un projet collectif artistique et citoyen », la « promotion du chant choral », au « renforcement du lien Armée-Jeunesse », la contribution « au développement de la connaissance et de la reconnaissance du sacrifice ultime des militaires pour les valeurs de notre nation ».

Pour le SNES-FSU Toulouse, ce projet aux termes sans ambiguïté est au service d’une glorification d’actions militaires qui ne font pas toujours consensus car opérées sur des territoires souverains, et même pas toujours sous mandat international et parfois sans même débat au Parlement, et s’inscrit dans une série d’évolutions préoccupantes en cours depuis l’arrivée de J.M. Blanquer au Ministère de l’Education nationale : nous pensons notamment à la mise en place du SNU, qui, tout en détournant des moyens importants de son budget (1,5 milliard d’euros par an selon G. Attal) qui seraient sans aucun doute mieux employés dans des actions permettant l’amélioration des conditions d’études des élèves, promeuvent, auprès d’adolescents par définition en construction, une vision de l’engagement citoyen qui ne correspond pas aux valeurs qui fondent une action éducative émancipatrice et humaniste, et relève ainsi d’une forme de propagande.

Le SNES-FSU Toulouse dénonce donc cette dérive militariste qui conduit à des « projets éducatifs » et des dispositifs d’encadrement de la jeunesse qui restreignent son horizon à des valeurs et exigences opposées à celles qu’il porte pour la jeunesse. Il déplore l’instrumentalisation et le dévoiement des cadres et repères éducatifs opérés dans la proposition de ce projet. Il appelle plus particulièrement les collègues à ne pas inscrire leur action éducative et de formation dans le cadre de ce projet, présenté comme une proposition… pour le moins injonctive !