31 août 2021

Métiers - Politique académique

Réforme de la formation (Certifiés et CPE) : des évolutions très lourdes...

L’accueil, dans certains établissements de l’académie, à la rentrée 2021 de contractuels-étudiants en contrat d’alternance est l’occasion de faire le point sur les réformes menées par JM Blanquer en matière de formation des enseignants (certifiés) et CPE.

Quelles évolutions à partir de la session 2022 des concours ?

Le ministère repousse les concours des Certifiés et CPE en fin de M2 (2e année du Master) à partir de la session 2022, et l’année de stage après l’année de M2, et diversifie les voies de formation (voir schéma ci-dessous).

Les étudiants ne disposeront pourtant pas tous de temps en plus pour mieux préparer le concours, qui intègre désormais une épreuve « d’entretien professionnel » valorisant de manière à peine voilée les étudiants de Master MEEF (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) ayant accepté d’exercer en tant que contractuel à 1/3 de service … pour 660 € nets. Ce « contrat d’étudiant-contractuel » pourrait bien devenir le sésame vers nos métiers, en étant plus compatible avec le nouveau format du concours : une forme de précarisation forcée et inacceptable de l’accès à nos métiers !

Compte tenu des difficultés que pourraient rencontrer les étudiants ayant accepté un contrat d’alternant, face notamment à la charge de travail accrue qui leur est imposée, le SNES-FSU appelle à accueillir au mieux ces collègues au sein des établissements, et à les informer de leurs droits. Ne pas hésiter non plus à leur conseiller de prendre contact avec nous pour nous permettre d’intervenir sur les conditions de travail et leurs difficultés, en leur proposant systématiquement l’adhésion.

Valoriser la précarité comme mode de formation
La vérification des connaissances disciplinaires ou pluri-disciplinaires qui fondent les métiers de l’enseignement et d’éducation se réduit, avec l’introduction d’une nouvelle épreuve orale problématique, visant à apprécier « la capacité du candidat à pouvoir se projeter dans le métier du professeur [...] s’intégrer dans un collectif d’établissement. À montrer que c’est un projet mûrement réfléchi et à faire partager au jury son envie d’enseigner ». Une telle formulation, qui rapproche l’épreuve d’un entretien d’embauche, ouvre au jury - qui pourra donc désormais intégrer des responsables RH des rectorats – privilégier les candidats passés par la précarité. Il disposera d’un CV des candidats (cursus, stages suivis et expériences professionnelles) : l’idéal pour repérer ceux ayant eu une expérience d’étudiants-contractuels !

Réduire les coûts de formation
Les volumes de formation accordés pour les deux années de Master se réduisent significativement sur les deux années, et, à l’INSPE de Toulouse, le parent pauvre de la formation est de plus en plus souvent le disciplinaire, au profit des éléments de la formation aux dimensions transversales du métier, et d’innovation ou de pratique du numérique.
En outre, le ministère considère que l’année de M2 MEEF prépare au concours tout en formant au métier, au prétexte que certains lauréats (pas tous !) auront été contractuels : il place donc les lauréats issu du Master MEEF à temps plein, en réduisant leur formation post-concours à 10 à 20 jours !
Seuls les lauréats qui ne seront pas issus d’un Master MEEF, dont les lauréats de l’agrégation, seront à mi-temps, avec une formation complémentaire à l’INSPE, dont le contenu reste à préciser. Les stagiaires ex-contractuels ayant exercé au moins 18 mois sur les 3 dernières années restent stagiaires à temps complet. Pour un grand nombre (le plus grand nombre ?) des lauréats, le ministère espère donc économiser de l’ordre d’un tiers des décharges de service, réduisant d’autant l’investissement dans la formation initiale, et surtout en le reportant sur les candidats !

Parcours semé d’embûches
En plus du tiers temps sous contrat, ou encore de stages (pour ceux qui n’auraient pas de contrat d’alternance), les étudiants devront au cours du M2 valider les UE, dont un mémoire, et préparer et réussir le concours : sans doute une gageure, qui risque de détourner encore davantage les étudiants de nos professions, alors que le sous-recrutement actuel creuse depuis longtemps déjà le déficit de personnels sur le terrain, tout en permettant de créer un vivier de contractuels de niveau Master (non reconnu par le rectorat en termes financiers !), certains disposant même d’expériences professionnelles significatives.


Quels enjeux pour nous tous ?

La réforme de la formation de nos futurs collègues croise des problématiques qui ne doivent pas nous laisser indifférents, au prétexte que nous sommes en postes ! A bien y regarder, cette réforme impacte toute la profession…

Tous concernés !
A la rentrée 2021, le rectorat va devoir dégager l’équivalent de 60 postes pour y accueillir les premiers « étudiants-contractuels-alternants » (soit 180 personnes, à comparer aux volumes traditionnel des 400 stagiaires du Second degré de notre académie), tandis que près de 200 postes seront immobilisés pour les lauréats des concours 2021 : voilà qui ne va pas favoriser la mutation des titulaires ! Autre effet néfaste de la réforme : les tuteurs de terrain ne seraient plus indemnisés que 600€ nets pour encadrer des étudiants alternant préparant le concours, dont les connaissances disciplinaires seront bien moins affermies que celles des stagiaires actuels. Une perte de 300€ annuels pour nombre d’entre eux !

Formation dégradée et réductrice : nos métiers menacés ?
La part plus réduite des connaissances disciplinaires due aux modalités des nouveaux concours, la réduction des volumes de formation et la perte probable des liens avec la recherche, le recrutement de formateurs – soigneusement sélectionnnés et cooptés par les corps d’inspection – issus pour moitié « du terrain », sans compétence en recherche, ni actualisation de leurs savoirs universitaires … : le risque est de voir se développer une « formation-formatage », réduite à des recettes sur un modèle purement imitatif, sans recul réflexif sur les pratiques, organisée sur la base de mesures discutables de « l’efficacité pédagogique » de certaines pratiques, ou selon des « dadas à la mode » (comme les neurosciences…). Elle cantonnerait rapidement nos futurs collègues à la reproduction de « pratiques labellisées » , voire l’imposition, dûment vérifiée au concours, de « bonnes pratiques », plutôt que de viser le développement des qualités réflexives et de prise de distance qui sont aussi le coeur de nos métiers : limités dans leur expertise disciplinaire, nos futurs collègues seraient privés des capacités d’adaptation comme de l’autonomie d’action que requièrent nos métiers complexes. Le risque majeur est celui d’un glissement de nos métiers vers des métiers d’application, à rebours de notre ambition d’en faire, plus que jamais, des métiers de conception.

Pour agir et informer : le SNES-FSU est signataire d’un tract académique avec tous les syndicats de la FSU partie prenante du sujet lié à la formation des maîtres. Ce tract, ci-dessus, peut être diffusé auprès des collègues pour les sensibiliser aux problèmes posés par la réforme.
Tract académique FSU - Formation des maîtres