21 novembre 2018

Métiers - Politique académique

Régionalisation : la tentation réaffirmée ?

Régionalisation : la tentation réaffirmée ?

En 2016, le SNES Toulouse et le SNES Montpellier avaient dénoncé la convention cadre tripartite signée par la nouvelle Région Occitane et les deux académies et dont les orientations faisaient problème, notamment dès lors qu’elles étaient portées par la région :

La convention-cadre est orientée autour de 4 axes stratégiques.
 Un lycée évolutif et performant,
 Le numérique éducatif vecteur d’innovation et de réussite,
 Des formations professionnelles en lien avec les besoins des territoires,
 L’orientation au service de la réussite des parcours.

Derrière ces orientations exposées dans ce qui relève clairement de l’énoncé d’éléments de langage, on pouvait décrypter la volonté pour la région d’avoir davantage de leviers sur la pédagogie, sur une carte des formations surdéterminée par la stratégie économique (implanter les formations en fonction des bassins d’emplois et des seuls besoins des entreprises), et de piloter l’orientation pour mieux gérer les flux en fonction justement des besoins économiques de son territoire. Le tout passé sous le masque cosmétique de la modernité et de la réussite des élèves...

Cette tentation pour la région de prendre la main sur la politique éducative est ressortie, il y a peu, au niveau national, à travers un "manifeste pour les lycées d’aujourd’hui et de demain" produit par l’association Régions de France, association représentant les 18 régions françaises et visant à communiquer autour de ses perspectives et orientations élaborées dans le cadre d’un apparent consensus. Presque dans la continuité, la Région Occitanie a lancé une démarche « Lycée du Futur afin de « d’imaginer le lycée du futur et de diffuser l’innovation au service des pratiques professionnelles dans tous les lycées. Cette démarche d’amélioration continue s’appuie sur la volonté de mettre les besoins des lycéens et des usagers au cœur du projet, en explorant tous les aspects de la vie au lycée : locaux, équipements, conditions d’apprentissage, usage du numérique, restauration, transports, environnement... » (extrait d’un courrier envoyé aux lycées de la région).

Tous les personnels travaillant dans les établissements scolaires sont évidemment attentifs et sensibles à leurs conditions matériels de travail et ne peuvent qu’accueillir favorablement la démarche d’améliorer les locaux, les équipements, la restauration, l’environnement global... et à travers cela les conditions d’apprentissage. Mais il suffit de rentrer dans le détails des orientations / préconisations / pistes (la formulation est à adapter en fonctions des précautions prises par ceux qui sont à l’initiative du "manifeste" ou de la "concertation" de la région...) pour voir qu’il s’agit en réalité bien de mettre un pied de plus dans ce qui se fait dans les lycées, et pour être plus précis, dans les classes, et donc d’entrer sur un champ pédagogique qui n’est pas de la compétence de la région.

Les pistes développées autour du numérique pédagogique (« lycées hors les murs », classe inversée, etc...) sont symptomatiques de ce désir d’orienter les pratiques pédagogiques, au nom d’un affichage et d’une vitrine moderniste. De même, pour revenir au manifeste, il y est également question que chaque lycée « s’ouvre à l’environnement de son territoire », notamment aux entreprises avec lesquelles des établissements pourraient « mutualiser des plateaux techniques ». Enfin, internats et CDI devraient s’ouvrir plus largement à l’extérieur, en accueillant du public également « hors du temps scolaire ». Et surtout, les CDI seraient renommés CDIO (O pour orientation), empiétant par là même sur les prérogatives de l’État, tant en matière pédagogique et d’orientation.

Dans ce contexte, le SNES réaffirme que ce sont aux équipes pédagogiques d’exposer leurs besoins dans le cadre de leur liberté pédagogique et dénonce toute volonté d’imposer des pratiques, des usages (numériques, notamment). Par ailleurs il réaffirme que c’est bien l’Education nationale, et donc l’Etat qui doit définir nationalement la politique éducative ; la tentation / tentative de régionalisation est fondamentalement le vecteur d’inégalités de territoire que nous ne pouvons accepter.