26 août 2018

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Jour de carence, une pénalité financière envers les agents en arrêt maladie

Jour de carence, une pénalité financière envers les agents en arrêt maladie

Le 03 avril 2018, le Rectorat de Toulouse a publié une circulaire à destination des Directeurs académiques des services départementaux de l’Éducation nationale ; Chefs d’établissements du second degré public et privé ; Inspecteurs de l’Éducation nationale ; Directeurs de CIO ; Directeurs et conseillers techniques des services académiques ; Responsables des structures des lycées mutualisateurs qui explicite la mise en œuvre du jour de carence.

Le jour de carence, que le gouvernement a rétabli pour la Fonction publique (FP), est une pénalité financière envers les agents en arrêt maladie : ceux-ci perdent une journée de rémunération à chaque nouvel arrêt maladie. Le gouvernement affiche une logique d’équité avec les salariés du privé, mais l’argument est fallacieux.

Définition
Le délai de carence est la période entre la date de début d’un arrêt de travail et la date à partir de laquelle une indemnité journalière est versée. Il s’agit donc de la période où un salarié est malade mais pas indemnisé. Aucun délai de carence n’est appliqué en cas d’arrêt pour accident du travail, congé de maternité, de paternité ou d’adoption, ou en cas de congé longue durée. Il n’est pas non plus appliqué si le temps entre deux arrêts est inférieur à 48 heures. Les salariés du privé ne perçoivent pas l’indemnité journalière de la Sécurité sociale pendant les trois premiers jours d’arrêt maladie. À partir du quatrième jour, la Sécurité sociale verse une indemnité équivalente à 50 % du salaire journalier de base et l’employeur verse des indemnités complémentaires à hauteur de 90 % (puis 66 % à partir de 48 jours d’arrêts, une assurance complémentaire pouvant alors prendre le relais).

Et les fonctionnaires ?
Il n’y avait plus de jour de carence, avant le 1er janvier 2018, pour les agents de la Fonction publique, y compris pour les contractuels s’ils ont une ancienneté supérieure à quatre mois.
Le jour de carence avait été institué en janvier 2012, pour la première fois dans la FP sous la mandature de N. Sarkozy. Mais il a été abrogé le 1er janvier 2014. La ministre de la FP avait déclaré dès février 2013 que ce jour de carence constituait une mesure « injuste, inutile et inefficace ».

Taxe sur la maladie
En 2012, lorsqu’il avait été institué pour les fonctionnaires, un double objectif était affiché : réduire les absences et faire « participer les fonctionnaires au rétablissement des comptes publics ». Aujourd’hui encore, il s’agit d’une taxe sur les malades qui vise à remplir les caisses de l’État à hauteur de 270 millions d’euros.
C’est un dispositif injuste : dans le privé, la couverture par l’employeur des jours de carence n’augmente pas significativement la probabilité de prendre un arrêt maladie. En revanche, là où les travailleurs subissent des pertes financières du délai de carence, les arrêts maladie sont en moyenne plus longs, l’effet sur l’absentéisme est finalement contre-productif.
Dans la pratique, la majorité des salariés du privé ne subissent pas ce délai de carence. En 2009, alors que la complémentaire n’était pas encore généralisée dans le privé, une enquête de l’IRDES montrait que plus de 66 % des salariés du privé étaient indemnisés par leur employeur au cours des trois premiers jours d’absence pour maladie. Pour eux, les jours de carence n’existent donc pas.

Chasse aux absences
L’abrogation du jour de carence en 2014 dans la FP a été accompagnée d’un renforcement de l’obligation de transmission de l’avis d’arrêt de travail dans un délai de 48 heures. En 2017, Annick Girardin, ministre de la Fonction publique, a publié une circulaire sur la prévention de l’absentéisme qui incite les employeurs à faire contrôler la justification des arrêts maladie, mais cela ne peut concerner que les arrêts longs. Elle signale aussi que les méthodes de management peuvent provoquer de l’absentéisme. Selon une enquête du ministère de l’Éducation nationale dont les résultats ont été publiés en 2016, 50 % des enseignants du second degré déclaraient être allés travailler alors qu’ils auraient dû être en arrêt pour raison de santé au moins une fois dans l’année.

1/30e
Le rétablissement de la journée de carence est d’autant plus pénalisant qu’il constitue une nouvelle baisse de pouvoir d’achat en prélevant de facto 1/30e de salaire pour chaque arrêt maladie.

Pour aller plus loin
◗ L’effet du délai de carence sur le recours
aux arrêts maladie des salariés du secteur privé.
DREES, Dossiers solidarité et santé n° 58, janvier 2015.
◗ Les enseignants : professionnalisation,
carrières et conditions de travail.
Ministère de l’Éducation nationale, Éducation et Formations n° 92, décembre 2016.