Un métier comporte quatre dimensions inséparables en clinique de l’activité :
– Une composante « impersonnelle » ou institutionnelle, qui fixe les finalités et les tâches via les instructions officielles.
– Une composante « personnelle », qui relève de la façon dont chacun habite son métier et s’y réalise. Elle concerne les conceptions, représentations, façons de faire et de penser qui marquent la singularité de chacun dans l’exercice de son métier. La liberté pédagogique relève de cette composante, par exemple.
Mais entre ces deux composantes, qui marquent les deux aspects les plus contradictoires du métier, existent deux autres composantes qui renvoient au fait qu’un métier s’exerce au sein d’un milieu.
– Une composante « interpersonnelle », qui désigne les relations de travail existant dans des formes diverses (formelles ou informelles) entre ceux qui font le même métier. Ces relations jouent un rôle important pour se repérer, s’informer, s’adapter… et alimentent ainsi…
– Une composante « transpersonnelle », qui désigne l’ensemble des façons de faire et de penser ce que l’on fait, les manières dont les professionnels « mettent à leur main » les prescriptions. Elle constitue le bien commun, le « genre professionnel » d’un milieu de travail, élaboré au fil des confrontations avec les réalités du travail et dans un rapport souvent conflictuel avec la composante « impersonnelle ». Le « genre » n’est pas un bloc standardisé de représentations et de pratiques mais l’ensemble diversifié de ce qui est admis dans le milieu comme manières de faire et d’être dans le métier.
Ces deux dernières composantes sont des intercalaires collectifs, qui viennent s’interposer entre la composante personnelle (les ressources propres à l’individu pour faire son métier) et la composante impersonnelle (la prescription de l’institution).
Pour qu’un métier puisse remplir son rôle et que les professionnels puissent y trouver les ressources nécessaires afin de travailler et finalement… s’y retrouver, il est nécessaire qu’un agencement entre ces quatre dimensions puisse s’établir. Sans les composantes collectives, élaborées plus ou moins tacitement par le milieu lui-même sur la base de son histoire et de son expérience au contact du réel, il est très difficile de s’adapter aux situations toujours mouvantes et non prévues « sur le papier ». Elles sont des points d’appui essentiels pour les professionnels, qui y trouvent les modalités selon lesquelles ils peuvent mettre « à leur main » les obligations qui leur incombent.
Or aujourd’hui ces intercalaires collectifs sont largement sapés, considérés par l’institution et le management comme des obstacles à une forme de standardisation du travail : « bonnes pratiques », évaluation permanente et/ou par compétences, individualisation, injonctions à l’engagement subjectif, etc. Les professionnels tendent à être dépossédés de leurs savoirs faire, des repères qu’ils se sont construits individuellement et collectivement, d’autant que les injonctions ignorent la complexité du travail réel et conduisent chacun, dans un contexte d’affaiblissement des collectifs, à se retrouver seul pour y faire face.
Pour un travail de qualité sans y laisser sa santé, il y a urgence à rompre avec cette évolution et c’est une affaire collective. Cela en fait un enjeu syndical assumé par le SNES qui impulse, avec la création des collectifs métiers, un travail sur le travail pour développer le pouvoir d’agir des professionnels.