Après les annonces à géométrie variable de Macron et N’Diaye sur la « revalorisation » enseignante, le SNES-FSU Toulouse a organisé le lundi 22 mai un stage syndical sur le Socle et le Pacte.
Laurent Tramoni, militant au Secteur Emploi national, a animé cette journée et a commencé par établir un état des lieux de la situation. Cette année encore, il y aura de grandes difficultés de recrutement avec des disciplines dans lesquelles il y a aux concours moins d’admissibles que de postes offerts (Allemand, Lettres Classiques). Cette crise de recrutement inscrite dans la durée est directement corrélée à la faiblesse croissante des rémunérations, particulièrement pour l’entrée dans le métier : le salaire en début de carrière est passé de 2,3 SMIC en 1980 à 1,07 SMIC aujourd’hui…
En parallèle, la charge de travail s’est alourdie, la DEPP estimant dans une étude d’octobre 2022 que la moitié des enseignant.es travaillent plus de 43h par semaine. En France, les enseignant.es se retrouvent avec les salaires parmi les plus faibles tout en ayant des groupes d’élèves plus fournis face à eux et un temps d’enseignement parmi les plus élevés. La DEPP le pointe elle-même, les 2 domaines à améliorer prioritairement pour l’exercice du métier étant le « pouvoir d’achat » et la charge de travail.
Or le projet de Macron avec le Pacte vise à augmenter légèrement le « pouvoir d’achat » en faisant croître la charge de travail ! Soit le retour has been du travailler plus pour gagner (un peu) plus…
Cette réforme prend tout son sens à la lumière du projet politique néo-libéral de Macron : il déclarait dès 2015 que « Le statut des fonctionnaires n’est plus adapté au monde tel qu’il va (...) et surtout, n’est plus justifiable compte tenu des missions". Sa politique s’inscrit dans la droite ligne des années Sarkozy, marquées par le gel du point d’indice en 2010 et le ciblage par l’octroi de primes à certains fonctionnaires, au détriment d’un droit à la carrière et d’augmentations régulières pour toutes et tous : c’est justement ce que garantissait entre autres notre statut, en contrepartie d’obligations nombreuses. Il s’agit pour Macron de passer d’une Fonction Publique de carrière à une Fonction Publique d’emploi, dans laquelle la contractualisation devient une pièce maîtresse. Le basculement du statut au contrat met les agent.es en concurrence, change la nature de leur relation avec l’employeur et fait entrer dans une logique commerciale. Ce glissement est mis en musique par la Loi de Transformation de la Fonction Publique d’août 2019, qui a par exemple affaibli le rôle des élu.es du personnel ou accru la part de l’emploi contractuel.
Pour ce qui est des rémunérations, le Pacte illustre les changements à l’œuvre, important dans le statut des logiques contractuelles. L’ISOE devient ainsi une indemnité à 3 volets, avec toujours la part fixe et la part modulable, et dorénavant une part fonctionnelle. A l’horizon 2024 se profile la disparition des HSE et des IMP, le seul moyen de gagner davantage étant alors de « pactiser » …
Pour mettre en œuvre le Pacte, les chefs d’établissement devront faire signer une lettre de mission et suivre la réalisation du service. Le Pacte consistera prioritairement dans le 2d degré à assurer des remplacements de courte durée. Les autres missions sont entre autres Devoirs Faits, l’intervention dans le dispositif « Découverte des métiers », la participation à l’école ouverte…
Le Pacte se compose de « briques », chacune rapportant 1131 € nets : une brique de 18h annuelles pour le remplacement, des briques de 24h annuelles pour les autres missions devant élèves, ainsi que des briques forfaitaires. Le temps de service devient ainsi annualisé et la rémunération évolue en fonction du poste occupé et des missions acceptées…
Les cas-types sont alors les suivants :
– 1 brique : 18h de remplacement de courte durée
– 2 briques : 18h de RCD + 24h de devoirs faits
Ou 2 briques : 18h de RCD + coordination « découverte des métiers »
– 3 briques : 18h de RCD + 24h de stages vacances + élaboration et mise en œuvre de projets pédagogiques innovants
Les conséquences immédiates sont un alourdissement de la charge de travail alors que, comme l’a souligné Carine Daudignon pour les collectifs métier du SNES-FSU, ça « déborde » déjà de toutes parts dans une journée de travail, les ajustements nécessaires étant de plus en plus nombreux pour un fournir un travail de qualité. Elle a montré que les heures de « trou » sont tout sauf vides et que nous les consacrons déjà à tout un tas d’activités : suivi des élèves et rendez-vous, corrections de copies, photocopies, gestion des imprévus (quand la photocopieuse ou le réseau ont planté…), etc.
Une autre conséquence est le risque d’aggravation des inégalités femmes/hommes dans les rémunérations. Comme nous l’avions déjà évoqué lors du stage égalité professionnelle femmes/hommes du 01/12/22, les heures supplémentaires sont majoritairement effectuées par les hommes…
L’autre versant de la « revalorisation » est le Socle : loin de « l’augmentation inconditionnelle de 10 % », il s’agit pour tou.tes du doublement de la part fixe de l’ISOE obtenu grâce aux interventions du SNES-FSU et à la puissante mobilisation contre la réforme des retraites, de l’augmentation de la part modulable de l’ISOE, de celle de la « prime d’attractivité » instaurée par Blanquer pour les seuls échelons 1 à 7 de la Classe Normale, et de mesures sur les parcours de carrière : amélioration du ratio de promotions à la Hors Classe, décontingentement et défonctionnalisation pour l’accès à la Classe Exceptionnelle, et décontingentement pour l’Échelon Spécial de la Classe Exceptionnelle.
Ces mesures, si elles permettent une augmentation sans contrepartie de la rémunération dès la rentrée, présentent 2 inconvénients majeurs : elles continuent à n’être que de l’indemnitaire au détriment de l’indiciaire, et elles « aplatissent » les carrières, le salaire statutaire devenant un salaire de base, qui évolue peu, contrairement au principe de fonction publique de carrière. Améliorer son niveau de vie supposera d’accepter de travailler plus pour gagner plus… soit exactement la logique du Pacte.
Les très nombreux.ses collègues présent.es au stage ne s’y sont pas trompé.es : le Pacte signe l’arrêt de mort du statut et appelle une farouche bataille pour s’y opposer par tous les moyens !
Ci-dessous, le diaporama utilisé lors du stage :