Stage académique ouvert à toutes et tous
La neutralité de l’école en questions, journée 2 : une école sous influences ?
le jeudi 20 avril 2023
au lycée hôtelier de Toulouse (Lycée des Métiers de l’Hôtellerie et du Tourisme d’Occitanie, 1 rue de l’Abbé Jules Lemire)
Fondation pour l’école, Agir pour l’école, Énergie Jeunes, United Way, Institut Télémaque, Entreprendre pour apprendre, etc. Nombreuses sont les associations et autres fondations à graviter autour de l’École ou à tenter d’y pénétrer. Avec quelles intentions ? Les objectifs annoncés de lutte contre les inégalités scolaires peuvent-ils être atteints ? Cette journée fera suite au stage organisé en 2021/2022 : La neutralité de l’école en questions, jour-née 1 : la laïcité |
Animé par
Lucie Tanguy, Directrice de recherche honoraire au CNRS, laboratoire Genre, Travail et Mobilités,
Yannick Lefebvre, secrétaire national responsable du secteur métier au SNES-FSU
Compte-rendu du stage :
Après le stage « Toutes et tous capables ! », le SNES-FSU Toulouse a organisé le jeudi 20 avril une 2e journée de stage sur la « neutralité » de l’école en questions :« Une école sous influences ? ».
Le matin, il a d’abord été question des partenariats, véritablement institués dans le code de l’éducation en 2005 avec la loi Fillon mais développés dès les années 80, comme en témoigne un colloque de l’INRP en 1993 : « Le partenariat est aujourd’hui une réalité qui ne peut guère être remise en cause, il devient nécessaire de faire le point. Devant le foisonnement des projets « partenariaux » et leur hétérogénéité (partenariat culturel, d’entreprise, « social »), il est apparu important de poser les termes d’une réflexion transversale, d’une problématique générale du partenariat… ».
Des chercheurs pointaient dès les années 90, les nombreuses questions soulevées par les partenariats : « Pour trouver les premières incitations aux actions partenariales, on peut aller chercher du côté des difficultés rencontrées par les enseignants pour faire face à leurs « nouveaux » publics. » […] « Au-delà, il est sans doute question de voir se modifier, plus ou moins doucement, les identités professionnelles » (Bautier, 1999). Tout en identifiant l’origine des partenariats : « Cette notion, comme toutes celles portées par une série de mots très neufs (entreprenariat, actionnariat), est liée à l’économie libérale et à l’économie de marché » (Mérini, 2001).
Lucie Tanguy, Directrice de recherche honoraire au CNRS, laboratoire Genre, Travail et Mobilités, aurait dû intervenir en visio lors de ce stage mais des soucis techniques nous ont empêchés d’assurer une liaison de qualité. Son article paru en 2022 dans la Revue Française de Pédagogie, « Les partenariats dans l’Éducation nationale, enjeux d’une hybridité public/privé. L’exemple de clubs du Rotary », étudie l’exemple d’interventions du Rotary Club en Île de France et dans les Hauts de France. Il s’agit d’une association internationale très puissante, disposant de 1 059 « clubs » en France, qui comme d’autres grandes institutions, mène une véritable lutte idéologique et voit dans l’école un terrain propice pour transformer la société. C’est ainsi, selon Lucie Tanguy, davantage que la neutralité, l’autonomie de l’institution scolaire qui est en jeu et le type de citoyens qu’on veut y former. Le Rotary Club a ainsi un lien organique avec l’Éducation Nationale, des responsables parmi les plus engagés dans les deux clubs du Rotary enquêtés étant d’anciens cadres de l’Éducation Nationale.
Des échanges entre stagiaires ont eu lieu également, informant sur les partenariats contestables actifs ou passés dans les établissements (Energie Jeunes, le Rotary, la fondation Hermès, etc.) et les actions mises en œuvre pour s’en débarrasser : votes en CA, réunions plénières, contacts avec les parents et avec les autres établissements…
L’après-midi, Yannick Lefebvre, secrétaire national du SNES-FSU, responsable du secteur métier, a mis en lumière les inspirations néo-libérales qui sous-tendent le rapport du Conseil scientifique de l’Éducation Nationale « Quels professeurs au 21e siècle ? ». Ce rapport, rédigé par l’économiste Yann Algan, fait suite à un colloque organisé lors du Grenelle de l’Éducation de 2020. Il est, par bien des aspects, très (très) proche du rapport du trop fameux cabinet McKinsey « Éclairer les évolutions du métier d’enseignant au 21e siècle », rapport donnant plusieurs fois l’impression d’être inachevé et ayant pourtant été facturé 500 000 euros… Au-delà des copier-coller manifestes, un point commun entre les deux rapports est l’importance donnée aux compétences socio-comportementales, ou « soft skills ». Selon les auteurs de ces rapports, elles influencent les performances et la réussite académiques, permettent de lutter contre le décrochage scolaire et favorisent la confiance et le bien-être. Pour (tenter d’) illustrer ces propos, le rapport de Yann Algan met en avant l’intervention… d’Energie Jeunes, qui « diminue le fatalisme et le poids des stéréotypes, rend les élèves plus optimistes sur leurs chances de réussite, induit une amélioration de l’attitude en classe, diminue l’absentéisme scolaire, et enfin augmente les notes en moyenne de 7 % de l’écart-type en 3e » … Ces assertions ont beaucoup fait rire les participant.es au stage ayant déjà assisté aux interventions faméliques d’Energie Jeunes !
Comme l’écrit Paul Devin, « la motivation première de cette éducation aux soft skills est donc clairement annoncée : servir les visées de l’économie libérale », en garantissant des points de croissance économique, au détriment de la construction d’une égalité réelle et de l’ambition d’un « Toutes et tous capables ! ». Continuons donc à être particulièrement vigilant.es quant aux influences qui s’exercent sur l’école !
Ci-dessous, un des diaporamas utilisés lors du stage :