Le travail enseignant fait l’objet d’une multiplicité de discours dans l’espace public et médiatique, qui confinent parfois à la caricature. Il est donc important, pour défendre notre métier, que nous sachions le décrire dans sa complexité. Le travail réalisé par les membres des groupes métiers du SNES Toulouse a déjà mis en évidence une double tension qui traverse l’activité enseignante.

La première se situe entre l’adhésion et la contrainte. L’éducation a ceci de particulier qu’elle vise une transformation des élèves : transformer leur vision du monde grâce aux connaissances disciplinaires, augmenter leur capacité d’agir en leur apportant des savoir-faire. Mais cela implique que les élèves acceptent de plonger dans l’inconnu : pour les faire progresser nous avons besoin de leur adhésion et de leur engagement. Or ils n’ont pas choisi ! Nous les obligeons à travailler sur des sujets dont ils peuvent se sentir éventuellement très éloignés… C’est un premier élément de complexité pour l’enseignant qui, tout en obligeant les élèves à travailler, doit aussi s’efforcer d’obtenir un engagement dans les tâches, afin que les élèves apprennent réellement.

Une seconde tension qui traverse notre activité réside dans le fait de poser des règles et de devoir presque systématiquement aménager, voire contourner ces règles, pour s’adapter au mieux à l’hétérogénéité des élèves mais aussi des situations. Les imprévus, ainsi que la différenciation et l’individualisation nous conduisent en effet à adapter le plus souvent les règles ou les consignes pour faire progresser le plus possible… le plus grand nombre d’élèves possible. Alors, le soupçon de privilégier un tel par rapport aux autres est toujours susceptible de devoir être désamorcé, auprès des élèves, mais aussi parfois des parents.

Ce à quoi il faudrait ajouter la nécessité d’arbitrer en temps réel entre des injonctions souvent contradictoires (ex. mettre les élèves au cœur des activités donc les laisser tâtonner… et terminer des programmes bien souvent pléthoriques), ainsi que celle de gérer en permanence des imprévus liés aux pannes / oublis de matériels.

En bref, notre activité consiste en un savant exercice d’équilibriste ! Il devient alors évident que le simple fait d’appliquer quelques « bonnes pratiques » ne peut pas suffire à relever les défis auxquels nous sommes confrontés. C’est au contraire une réappropriation collective de nos métiers, qui peut à la fois nous aider à faire un travail de qualité et appuyer la légitimité de nos revendications syndicales.

Article paru dans le Bulletin syndical de septembre 2018.