Le SNES-FSU a dénoncé depuis longtemps les effets inévitables de la Loi de Transformation de la Fonction Publique. Cette première année de mouvement sans le regard des représentants élu.es des personnels confirme nos craintes, et permet de commencer à mesurer, pour chacun d’entre nous, l’étendue des dégâts. Le SNES-FSU appelle d’autant plus au retour du rôle des élu.es du personnels dans les opérations individuelles de gestion que ces opérations ont aussi des effets collectifs !
Dès la sortie de la réunion, le SNES-FS s’est adressé aux nombreux collègues qui l’avaient mandaté pour leur faire connaître les réponses de l’administration - quand cette dernière avait donné des réponses...
Ce vendredi 17 juillet 2020, le rectorat avait programmé l’examen des premiers recours déposés dans le cadre des opérations de mutations Intra. Un chiffre, d’abord, pour situer l’ampleur des dysfonctionnements : largement plus d’une centaine de recours ont été portés par la FSU. Et il ne s’agit là que des recours que nous avons soutenus, sans parler de la masse de collègues qui n’ont pas pu mesurer l’étendue des dégâts pour leur situation personnelle, et n’ont du coup pas voulu contester leurs résultats, de peur aussi sans doute, des retards pris pour leur traitement. Cela signifie probablement que plus d’une opération sur 4 est entachée, sinon d’erreurs, au moins de doutes … Ce n’est donc pas « à la marge » comme on aime le répéter à l’ancien palais Niel, qui reconnaît plus de 200 recours plus ou moins formalisés (pour environ un millier d’affectations traditionnellement opérées).
45 secondes chrono : la mesure du mépris
Pour l’examen des 124 recours portés sur les opérations de mutations, le rectorat a généreusement octroyé aux élus.es de la FSU un temps d’échange de 1h30. Soit 45 secondes par collègue ayant formé un tel recours... Nous avons évidemment dénoncé cette parodie de dialogue, d’autant que l’administration juge « illégitime » un recours sur 2, au motif que le demandeur a obtenu l’un de ses vœux … sans que personne ne sache s’il n’a pas été lésé, ou si un autre de ses vœux, mieux classé, pouvait être satisfait. Mais le rectorat a tranché : s’il a accepté de rallonger les délais des échanges (qui ont doublé de volume), on ne discute toujours pas des situations où le collègue « a eu quelque chose », même si la communication du rectorat ne permet pas toujours à ce collègue de savoir quelle est la barre qui l’a empêché d’avoir mieux, ou même tout simplement de savoir s’il est ou pas lésé…
D’autres rectorats ont fait le choix de traiter bien plus tôt début juillet les premières situations problématiques, et dans un cadre de réels échanges constructifs. A Toulouse, le rectorat a manifestement préféré retarder les débats, et adopter une position très ferme : après avoir tout fait pour minimiser dans nos échanges l’ampleur des recours, et alors qu’il dispose des moyens permettant de communiquer des « barres » aux collègues, il s’est trop souvent refusé à le faire, même en cas de demande explicite.
Un DRH nommé « Algo », dont personne ne sait réellement ce qu’il fait
La quasi-totalité des réponses de l’administration aux demandes de mutation repose sur les résultats, manifestement insuffisamment maîtrisés, d’un algorithme d’affectation décidément bien mystérieux, que tout le monde surnomme « Algo ». Le problème, c’est que personne ne sait manifestement très bien comment procède « Algo » : tout au plus, le rectorat croyait comprendre en mars qu’il affecte prioritairement les titulaires d’un département à l’intérieur de ce même département avant de chercher à y affecter des collègues extérieurs, comme il l’a indiqué dans la circulaire du même mois. Mais il y a des exceptions nettes, relevées par vos élue.es, qui laissent penser que ce schéma n’a, par exemple, pas reproduit le même mode opératoire pour les communes… Ce faisant, et au-delà des erreurs possibles, l’algorithme s’asseoit donc sur les priorités de mutations, telles que traduites par le barème des demandeurs. Et tant pis si des priorités légales ne sont plus assurées : l’essentiel, c’est d’aller vite, et de procéder à des permutations de postes dont il n’a pas été possible de savoir dans quels cas, et pour quels collègues, « Algo » y procédait…
Le rectorat a semblé aller de découverte en découverte face aux questions posés par les collègues ayant déposé un recours.
Les élue.es des syndicats de la FSU du 2d degré ont demandé la publication de l’algorithme, afin que les demandeurs puissent au moins savoir à quoi s’en tenir à l’avenir : ce serait déjà un premier pas, mais qui ne règle pas tout… Le rectorat acceptera-t-il de faire la lumière ?
Mesures de Cartes scolaires largement hors des clous
Parmi les multiples dysfonctionnements de l’algorithme employé, il apparaît nettement que celui-ci ne sait pas toujours replacer les victimes d’une mesure de carte scolaire au plus près de leur ancien poste, comme l’affirme la circulaire rectorale. Et personne ne s’est soucié de remédier à ce défaut, pourtant flagrant ! Il est vrai que cela génère quelques opérations manuelles, mais sans doute inutiles quand on veut aller toujours plus vite … Dans certains cas toutefois – mais pas dans tous ! - le rectorat a fait de choix de rectifier le tir, en déplaçant au passage un autre collègue qui avait déjà été informé de sa mutation et sa nouvelle affectation...
Pire, l’algorithme est semble-t-il programmé de telle sorte que les collègues victimes d’une mesure de carte scolaire n’aient aucune chance de pouvoir muter sur des vœux personnels pour échapper à la mesure ! Et comme le rectorat considère qu’un tel collègue a muté, il voit son éventuel recours systématiquement écarté de l’examen approfondi de sa situation : la triple peine, qui signe l’ampleur du mépris pour des collègues déjà déstabilisés par une telle mesure.
C’est évidemment plus que choquant et, au-delà de l’improvisation totale que révèle l’examen des recours : tout le monde n’est pas logé à la même enseigne, et personne ne sait d’ailleurs exactement laquelle !
La loterie des mesures de compensation ?
Le rectorat a, très systématiquement – mais pas toujours ! – fait le choix de ne pas revenir sur les affectations prononcées par l’algorithme, y compris en cas de recours formalisé et d’erreur manifeste par rapport aux principes posés par la circulaire de mars, se retranchant derrière l’infaillibilité d’une machine dont personne ne semble maîtriser le comportement, parfois aléatoire – et finalement parfois reconnu comme tel ! La ligne principale de défense du rectorat est que "les règles ont changé", ce qu’en effet tout le monde constate hélas. Il est surtout regrettable que les demandeurs n’aient pu mesurer à quel point, et dans quel sens, avant de formuler des voeux, sans possibilité de corriger le tir.
Le rectorat proposera ponctuellement de rares mesures de « compensation » au cas par cas, soit d’effet immédiat, soit valables sur le mouvement de l’an prochain. Les élu.es de la FSU ont rappelé avec force qu’il vaut mieux ne pas se précipiter en la matière avant d’en mesurer toutes les conséquences pour l’ensemble des demandeurs, et surtout, prévenir plutôt que guérir : un travail transparent et des regards croisés en amont de la diffusion des résultats auraient permis d’éviter d’en arriver le plus souvent au statu quo faute de mieux, ou à des solutions bancales, et sans doute injustes aussi bien pour le demandeur lésé (à qui le rectorat ne peut rien garantir pour le mouvement de l’an prochain, sinon agiter le hochet d’une bonification d’un niveau arbitraire, et d’une efficacité douteuse) que pour l’ensemble des collègues (cela introduit des priorités nouvelles, qui entrent en concurrence avec les priorités légales, dont les effets sont par nature imprévisibles et variables suivant les disciplines et les années). La transparence avant diffusion des résultats, dûment constatée par les élu.es de toutes les organisations représentatives, reste décidément la meilleure solution !
Le SNES, avec les autres syndicats de la FSU, continuera de porter ses exigences sur ces opérations sensibles : transparence, équité, clarté et amélioration des procédures de contrôle.